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Cette année, la RATP a eu une initiative pour le moins surprenante dans le but de commémorer Auschwitz. Sur toutes les rames de métro, quelques wagons ont été aménagés et décorés de manière à ressembler aux wagons des trains qui emmenaient les juifs vers Auschwitz entre 1941 et 1943. Si ces wagons sont évidemment ouverts à tous, c'est surtout pour les personnes de confession juive qu'ils ont été conçus, l'idée étant d'entretenir la mémoire au sein de la communauté. Ainsi, les organisateurs ont fait en sorte que l'information sur ces wagons soit relayée plusieurs jours avant sur tous les médias d'obédience juive tout s'abstenant de toute publicité à l'extérieur de la communauté. C'est Gérard Unger, président-directeur de Métrobus, la régie publicitaire de la RATP, et vice-président de la LICRA, qui est à l'origine de cette initiative. Il nous explique: "On s'est tellement impliqué pour entretenir la mémoire du génocide auprès des non-juifs qu'on a perdu de vue qu'il était tout aussi important, voire plus important de l'entretenir au sein même de la communauté. C'est la première pensée qui vient à l'esprit quand on voit que malheureusement, de plus en plus de juifs votent pour des partis populistes."
A la station Chatelet, ligne 1, nous interrogeons un jeune homme qui sort d'un de ces wagons. Il se trouve qu'il n'est pas de confession juive et n'était pas au courant de l'événement : "J'étais d'abord dans le wagon juste à côté et je voyais ce qui m'a semblé être une famille, au fond de la rame dans ce triste wagon sans sièges. J'ai bien vu qu'il s'agissait d'une famille juive puisque les hommes portaient la kippa et certaine femmes un voile sur les cheveux. Je me demandais pourquoi cette famille s'était regroupée dans ce wagon sordide alors qu'il y avait beaucoup de place avec tous les sièges vides dans le mien. Comme mon wagon a commencé à se remplir et peut-être aussi par curiosité, je suis allé les rejoindre. L'ambiance était plutôt légère et détendue même si toutes les conversations tournaient autour des films vus et des livres lus à propos de la Shoah. Puis, subitement, j'ai vu entre ce wagon et celui que j'avais quitté une porte se refermer. J'ai commencé à me dire qu'il se passait quelque chose d'anormal. Je comprends maintenant qu'il s'agissait d'une reconstitution de la déportation mais je trouve que mes co-passagers étaient trop souriants pour que la reconstitution soit vraiment réaliste." Ainsi, on le voit, l'indispensable entretien de la mémoire n'est pas chose aisée.